« On ne peut pas laisser la Mission seule, prendre et ne rien donner. »
Comment percevez-vous l’inscription au Patrimoine mondial des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne ?
J’étais encore en Champagne en juillet 2015. Quel travail de la part de Pierre Cheval et son équipe ! C’est l’œuvre d’une vie ! Tout le monde a trouvé ça formidable sans se rendre vraiment compte sur le moment de la force qu’avait ce label au niveau international. Je suis parti juste après, pour revenir sept ans plus tard, en 2022, à la tête du Champagne Canard-Duchêne. La notion de « Coteaux, Maisons et Caves de Champagne » a particulièrement du sens pour nous. Notre site de Ludes, à lui seul, est un concentré du label Unesco : une Maison située sur un Coteau avec des Caves. Ces 6 km de caves creusées à la main, acquises par Victor Canard entre les deux guerres, sont une singularité sur la côte nord de la Montagne de Reims.
Vous sentez-vous partie prenante du bien inscrit ?
C’est l’ensemble du territoire qui est élu. Sans faire d’effort particulier, nous sommes partie prenante par le simple fait d’être enracinés au cœur du vignoble, cette région bénie des dieux. Ces coteaux, cette forêt, ces vignes sont un écrin incroyable pour notre Maison. C’est extraordinaire de travailler dans un tel environnement privilégié, surtout au printemps et à l’été. Tout cela donne énormément de force. Cette nature nous inspire.
Que vous inspire-t-elle ?
La Maison est posée sur un parc de 2,5 ha qui est un vrai joyau, avec notamment une vingtaine d’arbres remarquables de plus de 200 ans : pin maritime, cèdre de l’Atlas, séquoia géant... Ce site unique, nous allons le mettre encore plus en valeur. Nous faisons par ailleurs de l’agroforesterie sur nos vignes à Verneuil, nous sommes leader du bio en Champagne avec la cuvée parcellaire P181, nous essayons aussi de faire de la sensibilisation auprès de nos clients. À la place d’une gift box pour le champagne brut, nous leur proposons de planter un arbre en leur nom avec Reforest Action. 40 000 arbres ont été plantés sur la forêt d’Epernay en 2023 et on renouvelle ce partenariat en 2024 avec au moins 20 000 arbres supplémentaires. Cela montre notre engagement à la nature, au sol, à la région.
Et sur le reste de votre patrimoine, quelles actions menez-vous ?
Le chantier du moment concerne notre patrimoine historique. Nous travaillons avec une société d’historiens, Les Bâtisseurs de Mémoire, qui sont allés chercher toutes les archives, ont interviewé des acteurs de la Maison. Le but est d’avoir un vrai récit historique qui va nous inscrire dans le temps long, depuis l’histoire d’amour entre Léonie Duchêne la vigneronne et Victor Canard le tonnelier jusqu’à aujourd’hui. Nous avons des projets très structurants pour les années à venir. Notre volonté est de faire rayonner le site de Ludes de façon beaucoup plus magistrale, plus à la hauteur de son emplacement. L’œnotourisme est un sujet important. 10 000 visiteurs ont été accueillis chez nous en 2023. Nous devons continuer à affirmer notre positionnement de « grande Maison de Champagne à la campagne », proche de Reims.
Comment vous appropriez-vous l’inscription au Patrimoine mondial ?
Nous avons en partage quelque chose d’absolument incroyable. On doit s’en servir mais aussi le servir, être un acteur du label. À mes équipes je dis : il faut l’épouser, l’afficher, le hurler ! Notre Maison est ainsi la première à avoir affiché à l’entrée de l’espace d’accueil la plaque « Tous engagés pour la Champagne au Patrimoine mondial de l’UNESCO ». Cela a donné lieu à une petite cérémonie en présence de la présidente de la Mission, Séverine Couvreur.
De là à devenir un mécène de la Mission, il n’y avait qu’un pas ?
Tout le monde profite de l’inscription aujourd’hui. Ce n’est pas inné, c’est acquis. Il faut qu’on participe tous à cette cause, à « l’effort de guerre ». Au-delà de la plaque, nous avons voulu devenir mécène, soutenir l’équipe de la Mission par pure reconnaissance du travail effectué. On va essayer de mettre en valeur le label Patrimoine mondial dans notre circuit de visite en utilisant les outils spécifiques qu’elle met à notre disposition. On ne peut pas laisser la Mission seule, prendre et ne rien donner de notre côté.
Vous étiez précédemment en poste en Charente. Comment le monde du Cognac a-t-il réagi au succès de la Champagne à l’Unesco ?
Quand j’y étais, les Charentais regardaient les Champenois avec beaucoup d’admiration parce que l’inscription a donné au territoire un grand coup de projecteur. Leur région, qu’on surnomme la Toscane à la française, a un produit merveilleux, le Cognac, mais semble avoir structurellement quelques difficultés à attirer des visiteurs, malgré les moyens importants dont certains acteurs disposent. Je crois deviner qu’une telle démarche collective pourrait aider à résoudre une partie de leurs problèmes d’œnotourisme et de destination.
