Les membres du conseil scientifique de la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne se sont réunis en novembre au château de Condé, à Condé-en-Brie (02), qui a reçu un Prix Pierre Cheval de l’embellissement en 2019.
A l’issue de leurs travaux, ils ont pu découvrir les grands appartements et ses décors du XVIIIe sous la conduite éclairée d’Aymeri de Rochefort, l’hôte de ces lieux. Cette distinction vaut reconnaissance et admiration pour le patient travail de restauration engagé par sa famille et lui-même depuis 35 ans.
Comment résumer la longue histoire du château de Condé-en-Brie ?
Aymeri de Rochefort : Il a été construit au XIIe siècle, sur l’emprise d’une ancienne villa gallo-romaine, et agrandi au XVIe siècle par Louis de Bourbon, le premier des Princes de Condé. Au XVII, le château appartient par le jeu des successions et des mariages aux Princes de Savoie qui se le voient confisquer par Louis XIV en 1708. Il faut attendre la mort du roi pour que les choses s’arrangent en 1719. Le marquis de la Faye, un ami des Savoie, grand diplomate, achète le château et va le transformer en ce qu’on appelle à l’époque une « demeure des champs ».
Elle a gardé cette allure aujourd’hui. A partir de 1814, il appartient à la maison de Sade, le fils du Marquis ayant épousé l’héritière des La Faye.
Quelle empreinte les artistes y ont-ils laissée ?
ADR : La Faye qui venait de faire fortune grâce au système de Law et grâce aussi à ses positions diplomatiques va inviter les artistes les plus célèbres du moment à venir décorer et embellir l’intérieur du château : Watteau, Oudry, Boucher, Lemoine, Servandoni, Lancret, Pater…
C’est ce qu’il reste de ces décors de l’époque des Princes de Savoie mais aussi du temps des Marquis de la Faye qui constituent l’essentiel de la visite que l’on propose aujourd’hui.
Comment votre famille a-t-elle acquis cette propriété ?
ADR : Mon père était directeur dans une société et craignant de faire les frais des fusions et acquisitions qui étaient courantes à l’époque, il a préféré anticiper et se consacrer à ce qu’il aimait. Et ce qu’il aimait c’était les vieilles pierres, écrire aussi, et l’histoire. Au départ, il cherchait un château plus modeste et pas trop éloigné de Paris. Mais en découvrant Condé il a eu un véritable coup de cœur et il nous a embarqués dans cette aventure en 1983. J’avais 12 ans.
Dans quel état le château était-il alors ?
ADR : Il a souffert de plusieurs « invasions » : occupé par les Prussiens en 1870 et en 1914, il a failli être entièrement rasé en 1918 - par crainte des bombardements les célèbres toiles d’Oudry avaient même été déplacées mais grâce aux Américains le village et toute la vallée ont échappé au pire – puis est devenu une Kommandantur en 39-45. Quand mon père a acheté Condé, il restait énormément de travaux à faire. La priorité était de consolider les cheminées qui menaçaient toutes de tomber. Il a ensuite fallu refaire tout l’assainissement, les gouttières, les chéneaux, etc. Après son classement au titre des Monuments historiques en 1978, certaines parties du château avaient été rendues accessibles au public par nos prédécesseurs. Nous avons accéléré le rythme d’ouverture et augmenté la surface visitable dans les années 80.
Quand avez-vous repris le flambeau ?
ADR : 10 ans après l’acquisition, mon père est décédé d’une crise cardiaque. Avec ma mère et ma sœur nous avons souhaité conserver cette maison et nous avons poursuivi les restaurations au même rythme. Je me suis installé ici à partir des années 2000. Et ce n’est toujours pas terminé, nous sommes continuellement dans les travaux.
Et les espaces extérieurs ?
ADR : Il y a 24 hectares de terres autour du château. Une partie est affermée, l’autre est aménagée petit à petit et sert notamment à la création des jeux de piste et à l’accueil des familles et des scolaires. Il reste à réaliser un aménagement plus précis du parc qui a l’avantage d’offrir une vue magnifique sur la vallée du Surmelin.
De quelle mission vous sentez-vous investi ?
ADR : Notre mission principale consiste à restaurer et conserver cette demeure. Il est rare en France qu’un château ait pu, comme Condé, conserver ses décors authentiques du XVIIIe. Ils nécessitent eux-mêmes beaucoup de soins, ce qui prend beaucoup de temps. Si nous ouvrons le domaine aux visites, c’est à la fois pour partager ces décors exceptionnels et pour que le public nous accompagne dans cette restauration. Nous accueillons selon les années entre 8 000 et 12 000 visiteurs.
Comment êtes-vous référencé ?
ADR : On adhère à l’association Demeure historique qui accompagne les acteurs du patrimoine que nous sommes. On est également référencé aux Vieilles Maisons Françaises. Et nous bénéficions du label Vignobles et Découvertes.
Quels liens entretenez-vous avec les acteurs du tourisme ?
ADR : Nous nous inscrivons dans la dynamique touristique régionale et nous avons des liens avec toutes les instances qui veulent bien parler de nous et de nos activités, en particulier les offices de tourisme d’Epernay et Château-Thierry.
Et avec les vignerons ?
ADR : Le château est au cœur d’un domaine viticole depuis le XVIe siècle. Je garde de très bonnes relations avec les vignerons qui travaillent sur des terres qui, à un moment ou à un autre, ont appartenu au domaine. Chaque année, j’en sélectionne 4 ou 5 pour pouvoir proposer leur champagne en dégustation à nos visiteurs.
Quels sentiments vous inspire l’inscription des Coteaux, Maisons et Caves au Patrimoine mondial ?
ADR : J’ai l’impression qu’elle profite surtout aux villes mais, par effet d’entraînement, j’espère qu’elle irriguera un jour aussi les zones rurales.
Quelle signification le prix Pierre Cheval a-t-il pour vous ?
ADR : Ce prix est important pour la Champagne et met en lumière toutes les initiatives qui lui permettent d’être plus belle. Dans notre cas, Il vient saluer 35 ans d’efforts.
En savoir plus : www.chateaudeconde.fr