Où l’engagement de votre commune en faveur de la biodiversité prend-il sa source ?
Cela a démarré il y a une dizaine d’années quand l’opportunité d’acheter 25 ha du Marais Remarquable de Courmelois s’est présentée à nous. Sur les conseils et avec le soutien de l’Agence de l’Eau Seine Normandie, la commune s’est portée acquéreur en 2011, non sans avoir engagé des discussions au sein du conseil municipal, notamment sur l’intérêt d’abattre les 900 peupliers du marais pour laisser ce milieu humide ouvert. Je n’étais alors qu’adjoint mais assez moteur sur le sujet parce que la nature m’intéresse. Dès ce moment, des contacts ont été noués avec le Conservatoire d’espaces naturels de Champagne-Ardenne (CENCA). Peu à peu nous avons appris ce qu’était la biodiversité et comment se structurer pour la préserver.
Quelles sont les traductions concrètes ?
J’ai été élu maire en 2014 avec comme 1ère adjointe la directrice de l’école. Naturellement nous nous sommes dit que la commune étant maintenant propriétaire d’un marais, ce serait bien d’en faire profiter les enfants. Tout doucement, notre discours s’est forgé. Le conseil municipal nous suivait. Une des premières décisions que nous avons prises a été de créer un parc intergénérationnel au milieu du village en transformant une pâture avec un paysagiste et en y recréant des sentes piétonnes vers l’école. Ça a été un vrai succès. Et puis on a créé des vergers, des mares, on a planté des haies, dans le cadre d’une démarche Trame verte et bleue (TVB). Ce sont des puits de carbone qui ont un impact sur le climat. Au moment des élections de 2020, nous avons clairement réaffirmé nos grandes priorités : les enfants et la biodiversité.
Comment liez-vous ces deux priorités ?
On a créé un conseil municipal des enfants avec une commission biodiversité. Les enfants sont porteurs, très curieux, ils en parlent à leurs parents… et ce sont les adultes de demain. On a également mis en place une Aire Terrestre Éducative (ATE) qui permet aux enfants de l’école d’apprendre dans la nature et de la nature pour mieux savoir la protéger au bout du compte. Ils ont choisi comme support de leur projet un terrain vague qui a un intérêt écologique. Dans deux ans ils nous proposeront un aménagement et un plan de gestion que je me suis engagé à réaliser. Cette opération est accompagnée par le CENCA et la Maison de la Nature de Boult-aux-Bois, avec le soutien financier de l’Agence de l’Eau. Elle se déroule sur trois années avec une rotation des classes. Derrière, il y a la notion de transmission qui est importante aussi. Des ATE comme celle-ci, Il devrait y en avoir partout mais pour l’instant c’est la seule de la Marne. La nature n’est pas très présente à l’école, sauf sous la forme des cours de SVT. Je milite pour que la biodiversité soit un jour une matière à part entière, de la maternelle jusqu’à la terminale. Car sous couvert de biodiversité on peut parler de tout : d’eau, de réchauffement climatique, de transition énergétique, etc. C’est ce que j’ai dit à Mme Abba, secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité, quand elle nous a rendu visite le 3 décembre dernier.
Les habitants adhèrent-ils ?
On communique beaucoup. On essaie de les intéresser et de les impliquer et ça marche bien. J’ai la chance d‘avoir une première adjointe qui s’occupe de la médiathèque. Elle organise des sorties nature avec soit la LPO soi le CENCA, qu’elle relie à des expos et des livres mis à disposition à la médiathèque. On a de plus en plus de monde. Dernièrement, on a eu 75 personnes sur la sortie chauve-souris et 80 sur la sortie plantations et taille. Si on veut que nos actions soient pérennes, il faut que les habitants soient eux-mêmes parties prenantes.
Toutes les communes n’ont pas votre configuration géographique particulière.
C’est vrai qu’elle est un avantage. On a deux rivières et un canal, ce qui fait trois masses d’eau. On a ce marais de Courmelois. Et on a des terrains, mais c’est parce qu’on a eu la volonté de les acheter. C’est d’ailleurs l’une des actions qui a été déterminante dans la finale du « Meilleur village pour la biodiversité 2021 ». Nous n’irions pas si loin si nous n’avions pas noué des partenariats forts avec le CENCA mais aussi la LPO avec qui nous avons produit un atlas de la biodiversité. Découvrir toute la richesse de notre patrimoine naturel a été un élément déclencheur. Toutes les communes devraient commencer par là. Mes collègues ont l’impression que Val-de-Vesle a tout ce qu’il faut pour faire de la biodiversité alors qu’on peut en faire partout. Il faut juste y croire, se documenter, comprendre, comme nous essayons de le faire.
Faire de la place à la biodiversité tout en développant sa commune, c’est possible ?
Bien sûr, on peut totalement faire les deux ! Notre engagement n’empêche pas le village de s’agrandir, avec notamment un projet de lotissement communal de 80 logements à venir. De 926 habitants aujourd’hui nous devrions passer à 1200-1300 dans quelques années. On avance aussi sur un projet de gymnase de 1200 m2, sur la restauration d’un monument historique que nous voulons réutiliser comme salle culturelle, sur la rénovation de la voirie, etc. Dans nos projets nous n’oublions jamais la dimension paysagère.